« Les Plus-que-Vivants » – Toussaint
«Heureux…» (Matthieu 5, 1-12)
L’Eglise catholique fête ce 1er novembre, tous les saints. La sainteté, ce n’est pas une médaille pour super-chrétiens. La sainteté, c’est la vie de Dieu qui se manifeste dans un homme ou une femme ordinaire. Centrés sur nous-mêmes, nous vivotons avec nos égoïsmes, peurs et frustrations. Bref, tout ce qui fait naufrage avec la mort. Avec l’Esprit de Dieu – soit l’Esprit qui est « saint » – notre humanité se déploie et prend un goût d’éternité.
C’est ce que proclament les Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœurs ; heureux les doux ; heureux ceux qui ont faim et soif de justice… » ; car – si leur existence n’en sera pas facilitée – elle deviendra tellement plus vivante. Et même la mort ne pourra rien contre cela, mais ouvrira un passage vers la Résurrection.
Les saintes et saints sont donc ces personnes – connus ou anonymes – qui, sur terre, se sont laissés bouleverser par l’Esprit des béatitudes. Au jour de leur décès, leur course terrestre s’achève, mais – en Dieu – ils deviennent plus-que-vivants. Voilà pourquoi à ceux qui les invoquent, ils servent de premiers de cordée sur le chemin de la conversion. La communion des saints est cette solidarité profonde qui unit spirituellement les vivants sur terre et les vivants en Dieu.
Clairvoyance – 30° dimanche, Année B
« Rabbouni, que je voie ». (Marc 10, 46-52)
Une foule opaque entoure le Maître, qui fait son entrée à Jéricho. Jésus est alors au sommet de sa popularité. Aujourd’hui, ses « fans » lui demanderaient sans doute des selfies et de signer des autographes. Derrière la masse, un homme est assis dans l’anonymat. Il est aveugle. Pourquoi tous ces gens ? Il se renseigne. Apprenant que c’est le guérisseur de Nazareth qui passe, il crie sa détresse. Mais aussi un début de foi : « Fils de David » est, en effet, un titre messianique. On essaie de le rabrouer, mais il insiste. Jésus entend et le fait venir. « Ta foi t’a sauvé », lui dit-il. Et l’homme voit.
Jésus n’avait pas pour mission de guérir tous les aveugles de Palestine. Il se laissa néanmoins toucher par la demande confiante de cet homme et, ce faisant, nous laissa un signe du Royaume : « les aveugles voient ». Tous, nous souffrons de cécité ou de myopie spirituelle. D’ailleurs, notre pire défaut est celui que nous refusons de voir en nous et qui, dès lors, nous mine de l’intérieur.
Ne nous reposons donc pas trop sur notre clairvoyance. Demandons au Christ dans nos prières : « Fais que je voie ». Et Lui nous répondra : « Ta foi t’a sauvé ».
In memoriam Gustavo Gutierrez (1928-2024)
Les mâles sont-ils tous de potentiels prédateurs sexuels? – La Libre p.33
Tractations post-électorales – 29° dimanche, Année B
« Vous ne savez pas ce que vous demandez ». (Marc 10, 35-45)
Jacques et Jean – les fils de Zébédée – veulent pousser leur avantage au sein du groupe des douze. Objectif stratégique: le jour où Jésus aura pris le pouvoir à Jérusalem, se voir attribuer les meilleurs postes dans le gouvernement. Pour ce faire, ils prennent le Maître à part et lui demandent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ».
On se croirait en pleine tractation post-électorale pour la formation d’un collège communal. Et Jésus de soupirer : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire ? » « Nous le pouvons ! », répondent en chœur les présomptueux. Ils n’ont décidément rien compris. Le jour où le Fils de l’homme sera élevé en gloire, ce sera sur une croix. Plus personne ne se battra alors pour siéger à sa droite ou à sa gauche. Un douloureux privilège réservé à deux vauriens.
La gloire de Dieu – c’est l’amour jusque sur une croix: « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
Le chameau et le trou de l’aiguille – 28° dimanche, Année B
« Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer ». (Marc 10, 17-30)
Un fils de bonne famille vient voir Jésus et lui demande : « Que faire pour être sauvé ? » Réponse du Christ : « Ne tue pas, ne vole pas, ne fais pas de faux témoignages… Bref, conduits-toi en être humain et respecte les commandements ».
Mais le jeune idéaliste veut plus. Tout cela, il l’a observé depuis sa jeunesse. Comment vivre une vie selon le cœur de Dieu ? Alors Jésus pose son regard sur lui et se met à l’aimer : « Si tu veux décrocher la lune, laisse tout derrière toi et suis-moi ». Le jeune homme s’en va bien triste, car cela – c’est trop lui demander. Et Jésus de dire : « Qu’il est difficile pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu… Il est plus facile pour un chameau de passer par le trou d’une aiguille ».
Le Christ ne condamne pas la richesse matérielle. Mais Il constate que celle-ci est souvent un obstacle pour vivre l’Evangile. Celui qui veut simplement « ne pas déplaire à Dieu », qu’il se contente de respecter le commandements. Mais celui qui cherche l’intimité avec le Christ, qu’il mette toute forme de richesse – avoir, pouvoir, valoir – au service de l’Evangile. Car les richesses alourdissent le cheminement. Comment un chameau chargé de bagages pourrait-il passer par le trou d’une aiguille ?
L’exigence de Jésus est celle de l’amour. Est-ce trop demander? Aux disciples déconcertés, le Christ ajoute : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu. Tout est possible à Dieu ». Heureusement d’ailleurs, car la plupart d’entre nous restons des chameaux, lourds de vaines richesses. Mais Dieu dilate le trou de l’aiguille à la mesure de son infinie miséricorde.
Quand le meilleur devient le pire – 27° dimanche, Année B
« Au commencement de la création, Il les fit homme et femme ». (Marc 10, 2-16)
« Les hommes viennent de Mars et le femmes de Vénus… ». Un titre de best-seller qui résume bien que l’union conjugale n’est pas une affaire de sentiments à l’eau de rose. Elle est si mince, la frontière qui sépare l’« alliance des sexes » de la « guerre des sexes ». Quand l’amour est soumis à l’épreuve de la durée, le meilleur se révèle toujours – à un moment donné – sous le visage du pire.
Il y a un demi-siècle encore, les couples qui se séparaient, étaient mis au ban de la bonne société catholique. Cette attitude n’était pas digne de l’Evangile. Aujourd’hui – avec sept mariages sur dix qui connaissent le naufrage – il y a lieu de s’interroger. Outre la souffrance des partenaires, il y a le coût social que cela représente pour l’éducation des enfants.
Se lamenter ou condamner tous-azimuts, ne sert cependant à rien. Le rôle prophétique des chrétiens n’est pas de juger ceux qui connaissent l’échec, mais de rappeler le rêve de Dieu : « L’homme quittera son père et sa mère. Il s’attachera à sa femme. Tous deux ne feront plus qu’un ». La suite n’est pas une menace, mais une prière : « Ce que Dieu a uni, que l’homme le sépare pas ».